Le mois de mars 2025 a enregistré une envolée spectaculaire des crédits immobiliers en Israël, atteignant un volume de 9,2 milliards de shekels. Il s’agit du chiffre mensuel le plus élevé depuis août 2022 (hors exception de décembre 2024), marquant une hausse de 47 % par rapport à mars 2024.
En toile de fond : un changement réglementaire majeur qui redessine en profondeur le paysage du financement immobilier.
Cette hausse soudaine s’explique notamment par l’entrée en vigueur d’une régulation imposée par la Banque Centrale d’Israël, qui cible les prêts dits « ballon » proposés dans les promotions des promoteurs immobiliers. Ces prêts, permettant de repousser le remboursement du capital à la fin de la construction (appelé plus communément prêt infiné ou crédit différé), ont connu une popularité croissante ces dernières années – mais aussi des critiques en raison de leur risque systémique.
La nouvelle réglementation, en vigueur depuis début avril, limite la part de ces prêts à 10 % de l’ensemble des crédits hypothécaires octroyés chaque mois, tout en imposant aux banques des exigences accrues en capital.
L’objectif est clair et affirmé : prévenir les dérives observées dans un marché sous tension, et éviter une dépendance excessive à des outils de financement jugés instables, autant pour les ménages que pour les promoteurs.
Cette mesure a suscité un véritable réflexe d’urgence : les ménages, tout comme les entrepreneurs, ont cherché à conclure rapidement leurs transactions avant la fermeture de la « fenêtre de tir ».
Certains promoteurs ont même incité leurs clients à anticiper leurs paiements sur des contrats déjà signés, pour éviter des difficultés de trésorerie liées aux nouvelles contraintes de financement. Ces avances de fonds sont comptabilisées par la Banque Centrale d’Israël comme de nouveaux prêts hypothécaires, contribuant mécaniquement à la flambée observée.
Le montant total des prêts ballon a ainsi grimpé à 1,5 milliard de shekels en mars, contre 964 millions un an plus tôt. Bien que leur part dans l’ensemble des crédits ait légèrement reculé (16,2 % contre 17,2 % en février), le volume reste historiquement élevé. Il est probable qu’une fraction importante de ces prêts ait été contractée dans le cadre des offres de promoteurs – désormais limitées par la régulation.
Ces prêts ballon, aussi appelés « offres 80/20 », permettent aux acheteurs de ne verser que 20 % du montant lors de la signature, le solde étant payé à la remise des clés. Durant l’intervalle, le promoteur prend généralement à sa charge les intérêts du crédit contracté.
Ce modèle, attrayant en période de taux bas ou de forte demande, repose cependant sur des hypothèses optimistes : hausse continue des prix de l’immobilier, vente rapide de l’ancien bien, ou encore refinancement à des conditions favorables…autant de scénarios devenus plus incertains dans le contexte économique actuel.
Face à ces risques, la Banque Centrale d’Israël a choisi de jouer la carte de la prudence. Une décision saluée par une partie du secteur financier, qui y voit un moyen de renforcer la résilience du marché immobilier, tout en incitant les acteurs à adopter des pratiques de financement plus durables.
Parallèlement, l’on observe également une préférence croissante pour les emprunts à taux fixe non indexés à l’inflation : plus de 80 % des prêts hypothécaires souscrits en mars relevaient de ces formules, signe d’une volonté des emprunteurs de garantir la stabilité de leurs remboursements dans un environnement marqué par la volatilité des taux.
En résumé, cette poussée soudaine des prêts immobiliers est autant le reflet d’un changement réglementaire que d’un ajustement stratégique des ménages et des promoteurs, soucieux d’optimiser leurs positions avant que le vent ne tourne.
Le second trimestre pourrait ainsi offrir un tout autre visage, alors que les effets de la régulation commencent à se faire sentir.