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Israël : la réforme fiscale se durcit pour les changements de résidence
Israël : la réforme fiscale se durcit pour les changements de résidence

Le ministère israélien des Finances a récemment lancé une initiative législative visant à rendre permanente une restriction fiscale qui touche ceux changeant de résidence principale, c’est-à-dire les propriétaires qui vendent leur logement actuel pour en acquérir un nouveau, plus adapté à leurs besoins.

Concrètement, il s’agit de réduire à 18 mois – contre 24 mois auparavant – la période pendant laquelle ces propriétaires peuvent détenir deux logements simultanément tout en continuant de bénéficier d’avantages fiscaux importants.

Cette mesure, introduite initialement en 2023 à titre temporaire (sous forme de « disposition transitoire »), est désormais appelée à devenir une norme inscrite dans la loi. Le ministère a publié un projet d’amendement à la loi sur la fiscalité foncière, actuellement ouvert à consultation publique jusqu’au 11 mai 2025.

De quoi s’agit-il ?

Jusqu’en mai 2023, la législation permettait aux ménages changeant de résidence principale (et à condition qu’il s’agisse de leur unique bien immobilier) de conserver leur ancien bien immobilier pendant deux ans après l’achat du nouveau, tout en étant toujours considérés, sur le plan fiscal, comme propriétaires d’un seul logement. Ce statut leur donnait droit à deux types d’avantages :

– Un allègement voire une exonération totale de la taxe sur les plus-values immobilières, dans la limite de 5 008 000 shekels pour la vente de leur ancien logement ;

– Un taux de taxe d’acquisition réduit, identique à celui accordé aux primo-accédants. Par exemple, aucune taxe n’est due jusqu’à un seuil de 1 978 745 shekels, puis un taux progressif (3,5 % jusqu’à 2 347 040 ₪, puis davantage).

En revanche, les propriétaires de deux logements ou plus sont soumis à une fiscalité bien plus lourde, avec une taxe d’acquisition à 8 %, voire 10 % pour les montants supérieurs à 6 055 070 ₪.

De 24 à 18 mois : un changement stratégique

Dans le cadre de la loi d’efficience économique votée en mai 2023 (incluse dans le budget pluriannuel 2023-2024), cette période a été réduite à 18 mois à titre temporaire, afin de désengorger le marché et stimuler l’offre de logements disponibles ; cette disposition devait expirer à la fin mai 2025.

Cependant, les autorités fiscales israéliennes souhaitent désormais intégrer cette mesure dans le droit commun, en modifiant directement l’article 9 portant sur la fiscalité immobilière.

Le but affiché est de ne pas créer de vide juridique entre l’expiration de la disposition temporaire et l’entrée en vigueur de la loi amendée. Le ministère insiste sur l’urgence du calendrier législatif : « le processus doit avancer rapidement pour éviter toute discontinuité entre les régimes », peut-on lire dans le texte d’accompagnement.

Une mesure qui cible les effets de distorsion du marché

Les motivations de cette réforme sont à la fois économiques, budgétaires et sociales.

Le ministère des Finances estime que la possibilité pour les ménages changeant de résidence principale de pouvoir conserver deux biens immobiliers pendant une période prolongée encourage une rétention stratégique des logements, dans l’attente d’une hausse des prix.

Résultat : un stock croissant de « logements en attente de revente » n’est pas immédiatement remis sur le marché, ce qui restreint l’offre et fait grimper les prix.

Ce phénomène affecte tout particulièrement les jeunes ménages primo-accédants, pour qui l’accès au logement devient de plus en plus difficile. « Une période de détention longue favorise les foyers aisés au détriment des jeunes couples », souligne le ministère, qui y voit une forme de distorsion du marché au profit des ménages déjà propriétaires.

Un enjeu budgétaire non négligeable

La réforme pourrait aussi générer des recettes fiscales supplémentaires estimées à 20 millions de shekels par an, selon les projections du ministère. En écourtant la période d’exonération, l’État élargit l’assiette de la taxe d’acquisition, tout en incitant les propriétaires à vendre plus rapidement leur ancien logement, ce qui accroît la rotation sur le marché.

La nouvelle règle s’appliquerait à toute acquisition immobilière effectuée à partir de la date d’entrée en vigueur de la réforme. Autrement dit, les ménages ayant acheté un second logement avant cette date resteraient soumis à l’ancien régime des 18 ou 24 mois, selon leur cas.

Un équilibre délicat entre fluidité du marché et justice sociale

Ce projet illustre les tensions entre logique de fluidification du marché immobilier et objectifs de justice sociale.

D’un côté, permettre aux propriétaires de bénéficier d’une période plus longue avant de vendre leur bien leur offre une certaine souplesse, particulièrement utile dans un contexte d’incertitude économique ou de baisse des prix.

D’un autre, cette flexibilité, en contribuant à raréfier l’offre de logements, finit par nuire aux acheteurs les plus modestes.

L’État israélien cherche donc un compromis : maintenir un délai raisonnable (18 mois) pour permettre une transition fluide entre deux logements, sans favoriser indûment les propriétaires multiples.

Le raccourcissement proposé de la période de détention fiscale privilégiée marque un tournant dans la politique immobilière israélienne. Derrière cette décision technique se dessinent des choix politiques clairs : recentrer les avantages fiscaux sur les véritables primo-accédants, inciter à une mise sur le marché plus rapide des logements et, in fine, réduire la pression sur les prix de l’immobilier.

Cette réforme s’inscrit dans une tendance plus large visant à réguler un marché immobilier devenu l’un des plus spéculatifs au sein de l’OCDE, tout en tentant de maintenir une certaine équité entre les différents profils d’acheteurs. Reste à savoir si cette mesure suffira à inverser les dynamiques inflationnistes du secteur ou si des interventions plus profondes seront nécessaires au cours des années à venir.

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