En 2025, le marché immobilier israélien connaît un retournement inattendu. Alors que les investisseurs représentaient historiquement une part substantielle des acheteurs, la dynamique change radicalement. Pourquoi ce désengagement massif ? Quels en sont les effets ? Décryptage d’une mutation structurelle du paysage immobilier israélien.
Un recul historique des investisseurs
Le marché israélien de l’immobilier, autrefois perçu comme un eldorado par de nombreux épargnants, traverse aujourd’hui une période de désaffection notable. En juin 2025, environ 386 000 Israéliens sont propriétaires de deux logements ou plus, soit 18 % des détenteurs de biens immobiliers dans le pays.
En parallèle, 1,73 million d’Israéliens possèdent un seul bien.
Cependant, l’attrait traditionnel pour l’investissement locatif semble s’éroder. Le deuxième trimestre 2025 a été l’un des pires jamais enregistrés en termes d’achats de logements par des investisseurs.
Le volume mensuel moyen est tombé à 875 transactions, un niveau historiquement bas, comparable uniquement aux périodes critiques comme le confinement de 2020 ou les débuts de la guerre « Ḥarvot Barzel ».
Moins d’investisseurs, moins d’achats
Sur la base des tendances observées début 2025, seuls 8 000 nouveaux investisseurs devraient rejoindre le marché cette année — une chute vertigineuse comparée aux 30 000 nouveaux investisseurs en 2021, année record.
À titre de comparaison, 13 000 investisseurs entraient en moyenne sur le marché chaque année au cours de la dernière décennie.
Le déclin est particulièrement marqué chez les investisseurs dits « vétérans », ceux qui ont une longue expérience d’achat et de revente de biens locatifs. En 2023–2024, ils représentaient 70 % des achats de logements destinés à la location.
Pourtant, au premier semestre 2025, leur activité s’est contractée de plus de 50 %, avec seulement 2 400 logements achetés.
Qu’est-ce qui explique ce désengagement ?
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce retournement ne s’explique pas uniquement par des facteurs géopolitiques, comme les tirs de missiles en provenance d’Iran au printemps 2024 ; les causes sont bien plus systémiques :
- Hausse des taux d’intérêt, rendant le financement par emprunt moins attractif ;
- Stagnation, voire légère baisse des prix de l’immobilier : les données récentes indiquent trois mois consécutifs de baisse, modérée mais significative ;
- Politique fiscale dissuasive : depuis fin 2024, la taxe minimale à l’achat pour les investisseurs est passée à 8 %, contre 5 % auparavant ;
- Rentabilité en berne : avec une rentabilité brute moyenne de 2,5 %, les marges réelles — une fois impôts, frais de notaire, d’entretien et autres charges déduites — deviennent marginales.
En somme, la perspective de plus-value à moyen terme, qui justifiait jusqu’ici la prise de risque, semble s’éloigner.
Diversification des stratégies : vers l’étranger ou la Bourse
Les investisseurs expérimentés se tournent désormais vers d’autres horizons.
Le marché boursier, malgré sa volatilité, offre actuellement des rendements plus attractifs. Certains préfèrent même se tourner vers l’immobilier international, comme au Portugal, où les prix sont plus accessibles et la fiscalité plus douce.
Comme le souligne Nahi Finkelstein, professionnel de l’investissement immobilier international : « aujourd’hui, le marché immobilier local est stable, voire baissier. Il devient donc moins séduisant pour des investisseurs avisés ».
Un facteur de soutien durable : natalité, aliyah et construction
En dépit de la désaffection des investisseurs, des dynamiques démographiques fortes pourraient maintenir une pression haussière sur l’immobilier. Israël enregistre de fait un taux de fécondité moyen d’environ 3 enfants par femme, l’un des plus élevés des pays développés.
Par ailleurs, l’Aliyah (immigration juive vers Israël) demeure soutenue, avec une projection de 40 000 à 45 000 nouveaux immigrants en 2025. En parallèle, la construction de logements progresse, avec une estimation de 60 000 à 65 000 nouvelles unités prévues cette année, notamment dans les grandes villes comme Tel Aviv, Jérusalem, Haïfa ou Beer-Sheva.
La convergence de ces facteurs — forte natalité, flux migratoires persistants et cadences élevées de construction — suggère que la demande structurelle en logement pourrait rester solide.
Ainsi, même si l’activité des investisseurs fléchit, la pression sur les prix immobiliers pourrait perdurer à moyen terme.
Des conséquences sur les locataires
Ce retrait des investisseurs n’est pas sans impact pour les locataires. Moins d’achats d’investissement signifie moins d’appartements disponibles à la location, donc pression haussière sur les loyers. En juin 2025, l’indice des loyers a bondi de 5,9 % sur les nouveaux baux — une hausse rare dans le contexte post-pandémique.
Dans un contexte où l’offre locative est restreinte, notamment après les destructions liées à la guerre, la situation pourrait empirer, alimentant l’inflation et compliquant l’accès au logement pour les ménages les plus modestes.
L’investissement immobilier en Israël, longtemps considéré comme une valeur refuge, semble aujourd’hui perdre de son éclat. Mais face à la réduction du nombre d’investisseurs, les dynamiques démographiques — natalité élevée, immigration soutenue — et le volume massif de nouvelles constructions pourraient maintenir une forte demande structurelle.
Ce paradoxe entre désengagement des investisseurs et pression démographique rend le futur du marché résidentiel israélien complexe.