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Tofes 4 : la compagnie d’électricité ne veut plus jouer les gardiens
Tofes 4 : la compagnie d’électricité ne veut plus jouer les gardiens

En Israël, l’obtention du « Formulaire 4 » (tofes 4) – document obligatoire pour raccorder un bâtiment neuf à l’électricité – constitue depuis des décennies un passage obligatoire pour tout projet immobilier. Mais la compagnie nationale, confrontée à une surcharge bureaucratique et à une réalité énergétique complexe, souhaite se retirer de ce rôle de « gardien de la conformité ».

Une réforme législative se profile, avec des conséquences importantes pour les promoteurs, les consommateurs et l’organisation du réseau électrique.

La fin d’un verrou réglementaire ?

Le Formulaire 4, document émis par les autorités locales, atteste de la conformité d’un bâtiment aux normes de construction et d’urbanisme. Sans ce certificat, un immeuble ne peut légalement être raccordé à l’électricité, à l’eau ou au réseau téléphonique. Jusqu’à présent, la compagnie nationale d’électricité israélienne (IEC) est tenue de refuser tout raccordement sans ce précieux sésame.

Pourtant, son directeur général, Meir Spiegler, a récemment exprimé publiquement son opposition à ce système. Lors d’un congrès organisé par l’hebdomadaire économique Globes, il a dénoncé le rôle de la compagnie comme un « policier malgré lui » de la législation sur la planification et la construction, expliquant que cette responsabilité entrave sa mission première : fournir de l’électricité de manière fiable et sûre.

Un rôle imposé par la loi

Ce positionnement ne résulte pas d’un choix stratégique de l’entreprise, mais bien d’une obligation légale. La loi israélienne conditionne depuis des décennies l’alimentation en électricité à la délivrance préalable du Formulaire 4 (et parfois du Formulaire 5, certificat de fin de construction). Ce système a pour objectif d’assurer que seuls les bâtiments conformes aux normes de sécurité soient raccordés.

Mais pour la compagnie électrique, cette contrainte génère de lourdes conséquences. Le temps d’attente pour l’obtention de ces formulaires, souvent allongé par la complexité administrative, retarde les raccordements, entraîne des plaintes de la part des promoteurs et pousse certains usagers à se brancher illégalement au réseau.

Les effets pervers du système actuel

Ces connexions sauvages, particulièrement fréquentes dans certaines régions comme le Néguev ou les quartiers périphériques de Jérusalem et de Petah Tikva, posent un problème de sécurité. Elles perturbent aussi la gestion du réseau. Lorsque les prévisions de consommation reposent sur des données incomplètes ou erronées, la planification devient difficile, ce qui engendre des coupures de courant et des surcharges locales.

Meir Spiegler souligne que ce sont souvent les populations les plus vulnérables – jeunes couples, communautés rurales, quartiers ultra-orthodoxes ou arabes – qui sont pénalisées par l’impossibilité d’obtenir le Formulaire 4 dans des délais raisonnables. En conséquence, elles sont privées d’un accès sécurisé et régulier à l’électricité, voire de la possibilité d’installer des panneaux solaires, ce qui limite leur autonomie énergétique.

Une réforme à l’étude mais juridiquement complexe

Un amendement partiel a été adopté récemment, supprimant l’exigence du Formulaire 4 pour les cas d’augmentation de puissance électrique. Toutefois, pour aller plus loin, il faudra modifier la loi de planification et de construction elle-même, un processus long et politiquement sensible.

Supprimer entièrement le lien entre raccordement électrique et délivrance du Formulaire 4 implique de repenser le mécanisme de contrôle de conformité des bâtiments. Qui vérifiera, en l’absence d’un formulaire officiel, que la construction respecte les normes de sécurité ? Faut-il créer une nouvelle autorité de régulation, comme le suggèrent certains experts ? Et si oui, cela ne risque-t-il pas de créer une couche bureaucratique supplémentaire ?

Des avis partagés sur la faisabilité

Certains professionnels du secteur immobilier estiment que la responsabilité incombe autant aux promoteurs qu’à la compagnie électrique. Selon eux, une meilleure anticipation des démarches administratives permettrait d’éviter les retards. Ils reconnaissent toutefois que l’IEC subit une forte pression, et qu’une simplification du processus de raccordement serait bénéfique.

D’autres redoutent qu’une telle réforme ouvre la porte à une déréglementation excessive, mettant en danger la sécurité des constructions et la stabilité du réseau. La compagnie électrique elle-même reconnaît que toute réforme devra être accompagnée de mécanismes de contrôle rigoureux.

Un débat à fort impact économique et social

Ce débat dépasse la seule question technique du raccordement : de fait, il touche à la relation entre l’État, les services publics et les citoyens. Il interroge la capacité de l’administration à concilier exigence réglementaire et efficacité opérationnelle.

Si la compagnie électrique se retire du processus d’autorisation d’habitation, cela pourrait accélérer la livraison de logements neufs, stimuler l’économie du Bâtiment, et améliorer l’accès à l’énergie. Mais cette réforme nécessitera une coordination étroite entre les différents acteurs : parlement, autorités locales, promoteurs, régulateurs et opérateurs énergétiques.

Une chose est sûre : après plus de 40 ans d’application, le système du Formulaire 4 est à la croisée des chemins. Le défi sera de moderniser sans déréguler.

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