Face à la montée des tensions géopolitiques et à la résurgence de l’antisémitisme dans de nombreuses régions du monde, Israël connaît une hausse marquée des achats immobiliers par des nouveaux immigrants et des investisseurs étrangers. Du littoral à la capitale Jérusalem, les biens se vendent rapidement, souvent avant même leur achèvement, avec des motivations qui dépassent largement les considérations économiques.
Décryptage d’un phénomène aux ramifications multiples : sécurité, attachement identitaire et placement stratégique.
Un afflux d’immigrants aux profils divers et variés
Depuis le début de l’année, plus de 11 000 personnes ont fait leur Alyah, c’est-à-dire leur immigration vers Israël. Une part significative d’entre elles provient des pays de l’ex-URSS, mais on note également une présence notable de Français, de Nord-Américains, de Britanniques et même de Sud-Américains ou d’Éthiopiens.
Si ces chiffres ne sont pas sans précédent, la nouveauté réside dans la répartition géographique des achats et les motivations profondes qui les sous-tendent.
Netanya détrône Tel Aviv : une nouvelle géographie de la demande
Traditionnellement prisée, Tel Aviv perd du terrain au profit de villes comme Netanya, Ashdod, ou Jérusalem, qui concentrent désormais une grande part des acquisitions.
Cette bascule géographique s’explique par plusieurs facteurs : la flambée des prix dans la métropole, la recherche de communautés francophones ou religieuses déjà installées, mais aussi la volonté de s’implanter dans un environnement perçu comme plus calme ou plus spirituel.
Investisseurs étrangers : entre stratégie patrimoniale et refuge identitaire
Les investisseurs non-résidents représentent une catégorie de plus en plus active sur le marché immobilier israélien. Il s’agit souvent de familles juives établies en diaspora qui souhaitent acquérir un bien à usage secondaire ou en prévision d’un possible départ futur.
L’achat est alors perçu comme une assurance face à l’instabilité de leur pays d’origine, voire comme un acte de solidarité avec Israël.
Fait marquant : certains promoteurs immobiliers indiquent que des projets entiers sont vendus à l’avance à une clientèle américaine, souvent sans même avoir visité le bien. Les critères sont clairs : proximité d’une synagogue, d’un mikvé, ou d’une école communautaire.
Un régime fiscal spécifique, parfois méconnu
Contrairement à une idée reçue, les nouveaux immigrants ne bénéficient pas automatiquement d’avantages fiscaux pour l’acquisition d’un bien immobilier. En revanche, ils peuvent obtenir des réductions d’impôt à condition de fixer leur résidence principale en Israël dans un délai défini. Les acheteurs étrangers, eux, sont soumis à des taxes plus élevées sur les achats immobiliers, destinées à limiter la spéculation et à favoriser les résidents israéliens.
Néanmoins, pour beaucoup, la fiscalité n’est qu’un paramètre secondaire. Ce qui prime, c’est la capacité à sécuriser une propriété dans un contexte mondial instable. Certains parlent même de “maison de secours”, un refuge à la fois symbolique et tangible, ce qui colle à la vision première de Théodore Herzl, père du sionisme.
Une dynamique amplifiée par les tensions mondiales
La guerre entre Israël et le Hamas, les émeutes dans certaines villes européennes, la polarisation politique aux États-Unis et le sentiment croissant d’insécurité dans certaines diasporas ont accéléré cette tendance. L’achat d’un bien en Israël devient un acte de projection vers un avenir perçu comme plus maîtrisable.
En parallèle, la forte demande contribue à tirer les prix vers le haut, notamment dans les quartiers déjà densément peuplés par des communautés d’immigrants récents. Cela crée parfois des tensions locales, entre nouveaux arrivants et résidents historiques, sur fond de rareté foncière.
Entre immobilier et idéologie : une équation complexe
Il serait réducteur de considérer ces acquisitions comme de simples investissements. Pour une majorité de ces acheteurs, l’achat d’un appartement en Israël revêt une portée identitaire forte, presque existentielle. Il s’agit d’un enracinement, d’un geste d’adhésion à un projet collectif, mais aussi — parfois — d’une réponse à un malaise croissant ressenti ailleurs.
Les professionnels du secteur anticipent que cette dynamique ne s’essoufflera pas à court terme. Si les flux migratoires se poursuivent et que les tensions internationales se maintiennent, le marché immobilier israélien devrait rester tendu, avec une pression continue sur les zones les plus recherchées.