Compensation, propriétaires bailleurs, guerre, incertitude légale, mécanisme d’indemnisation : les propriétaires de logements locatifs touchés par la guerre en Israël se retrouvent dans une situation juridique et financière ambiguë.
Malgré les discussions en cours au ministère des Finances, les dispositifs de compensation restent flous, ce qui engendre des tensions entre locataires et propriétaires.
Contexte et origine de la crise
Depuis le début des hostilités avec l’Iran, près de 33 000 demandes de dédommagements pour dommages matériels ont été soumis aux fonds de compensation. Cette vague concerne potentiellement des milliers de logements locatifs endommagés, suite à des tirs de roquettes et autres attaques ayant fragilisé ou rendu inhabitable les logements concernés.
La loi israélienne garantit aux sinistrés une indemnisation et un relogement temporaire, et couvre, en principe, le versement d’un loyer « remplaçant » pendant la période de reconstruction. Pourtant, le statu quo actuel laisse les propriétaires de logements locatifs dans le flou : doivent-ils continuer à percevoir les loyers contractuels, ou renoncer à toute rémunération si les locataires n’occupent plus les lieux ?
Les difficultés des locataires : hausse du coût de la vie
De l’autre côté, les locataires déplacés, notamment à Tel Aviv, rencontrent des obstacles pour se reloger à un prix équivalent. Après l’explosion des demandes, les loyers de substitution ont considérablement augmenté.
L’écart entre les montants d’origine et ceux demandés actuellement met en péril leur budget et limite leurs options sur un marché tendu.
Les propriétaires pris en otage
Les propriétaires, comme ce bailleur de Petah Tikva, se disent « otages » de cette situation : la loi impose aux locataires le paiement des loyers, mais l’État – via l’administration fiscale et les fonds de compensation – suggère que c’est au locataire de toucher les compensations, pas au propriétaire. Le désaccord entre les différentes instances génère des tensions et laisse planer l’ombre de litiges juridiques.
Cadre légal actuel et jurisprudence
D’après la législation relative à l’impôt foncier, les propriétaires de logements privés endommagés par une action de guerre ou un acte terroriste ne peuvent recevoir une compensation pour perte de loyer — sauf s’il s’agit d’un « communal settlement » (יישוב ספר).
La Cour suprême a déjà statué récemment : les propriétaires d’habitations privées dans des zones évacuées ne peuvent pas obtenir de compensation pour perte de loyer pendant la guerre « Opération Tzoke Deshem ». Ce précédent ferme la porte à plusieurs centaines de propriétaires dans tout le pays.
Conséquences financières pour les bailleurs
Pour de nombreux propriétaires de biens acquis pour investissement, l’absence de revenu locatif compromet le remboursement des prêts immobiliers. Dépourvus de compensation, ils risquent des impayés, des procédures judiciaires ou des pertes financières importantes.
Sans solution, ils s’attendent à «des batailles judiciaires dans les années à venir».
Scénarios de réforme à l’étude
Le ministère des Finances examine actuellement un mécanisme de compensation. Certains experts fiscaux demandent que les propriétaires soient directement indemnisés pour perte de revenu locatif, sans attendre les conflits entre propriétaires et locataires.
Selon Maître Eli, expert en taxes et indemnisations, si le logement devient inhabitable, le locataire peut choisir parmi plusieurs options : relogement accompagné d’un loyer temporaire, allocation forfaitaire d’environ 4 000 ₪, ou annulation du bail selon la loi sur les contrats — mais sans compensation de loyer pour le propriétaire.
Analyse critique et perspectives
Injustice perçue
Plusieurs propriétaires jugent injuste que seul le locataire puisse bénéficier des compensations, quand c’est le propriétaire qui assume la perte économique. Cette asymétrie juridique est contestée, surtout pour les logements situés en zone non officielle de réserve.
Risque massif de litiges futurs
Avec des milliers de sinistres déclarés, les contentieux devraient se multiplier : propriétaires contre locataires, propriétaires contre l’administration. Des frais judiciaires significatifs et une incertitude durable pèsent sur le marché locatif.
Effet sur l’investissement immobilier
L’absence de garantie contraint les investisseurs à revoir leurs projets locatifs, ce qui pourrait freiner l’offre de logements disponibles et aggraver la pénurie.
Besoin d’un changement législatif urgent
Certains juristes recommandent une réforme immédiate du régime de compensations, notamment l’extension des droits aux propriétaires privés, afin d’éviter une crise judiciaire et financière.
En ressort que, la mesure actuelle de compensation est inadéquate : elle protège les locataires déplacés, mais oublie les bailleurs privés, pourtant victimes d’une perte légitime. Le ministère des Finances prépare un dispositif correctif, mais le statu quo ouvre la voie à des conflits, fragilise les investissements et risque de déstabiliser le marché locatif.
Pour garantir un équilibre, l’État doit clarifier la distribution des indemnités, étendre les compensations aux propriétaires privés et instaurer un cadre équitable pour tous les acteurs, afin de préserver la cohésion sociale et la confiance dans le secteur immobilier.